1857 - 1917
De Meiningen à Paudex
Edwin Friedrich Emil Richard Schneider est né le 10 mai 1857 à Hildburghausen, dans le duché de Saxe-Meiningen, où son père Richard Schneider était enseignant au Gymnasium (lycée) et vicaire de la paroisse.
Peu après sa naissance, la famille déménage à Meiningen où Edwin Richard grandit avec ses quatre frères et soeurs et suit l'école publique. En 1868, sa grande soeur Minna décède à 14 ans de "Wassersucht" (hydropisie) et l'année suivante, son père est atteint de difficultés respiratoires, très certainement dues à la tuberculose, qui le contraignent à cesser de travailler.
Son etat de santé s'aggravant, Richard (son père) décide alors en automne 1869 de quitter Meiningen et d'emmener femme et enfants en Suisse, dans la région de Montreux, réputée alors pour ses "climatothérapies" censées améliorer ou guérir différentes maladies, surtout pulmonaires.
Le jeune Edwin Richard, 12 ans, se retrouve alors avec toute sa famille dans le petit hameau de Tavel près de Clarens.
Son père est suivi par le Dr Roche de Verney (Montreux) mais décède trois ans plus tard le 21 septembre 1872. Son épouse, Mathilde Schneider-Nonne, déménage alors à Lausanne (rue Vert-Site 1) où les enfants sont scolarisés et intégrés
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Registre de naissance Hildburghausen K3/1-13 |
Adresse de la famille à Meiningen |
Hameau de Tavel sur Clarens |
Edwin Richard entame alors une procédure de naturalisation suisse (bourgeoisie) mais qui prendra plus de temps qu'envisagé.
Première demande à Lausanne
En octobre 1873, Edwin Richard adresse une demande de bourgeoisie à la municipalité de Lausanne.
Celle-ci est transmise au comité de la "Section des Pauvres", qui traite également les Bourgeoisies, et qui renvoie à la Municipalité émet un avis négatif, car le candidat n'est pas résident sur sol suisse depuis au moins 5 ans
La Municipalité renvoie alors un courrier à "Mme Veuve Schneider" (Edwin est mineur) lui signifiant le refus de la demande
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Registre des Pauvres Lausanne RK 15-6 |
Lettre de la municipalité Lausanne RK 15-7 |
Deuxième demande à Lausanne
En mai 1880, Edwin Richard passe par le notaire Jules Krayenbühl pour adresser une nouvelle demande à la municipalité de Lausanne.
Le comité de la Section des Pauvres observe que, malgré que la famille Schneider "soit honorable et paraisse, dans l'aisance, il ne peut convenir d'accorder la bourgeoise à un seul de ses membres, à l'exclusion de la mère et de deux autres enfants encore jeunes".
En se basant sur ce raisonnement surprenant, la municipalité ne peut accepter la demande et signifie son refus au notaire Krayenbühl le 9 juillet 1880
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Registre des Pauvres Lausanne RK 15-8 |
Lettre de la municipalité Lausanne RK 15-8 |
Demande à la commune de Paudex
Suite au refus de Lausanne, le notaire Krayenbühl adresse rapidement une demande de bourgeoisie à la Municipalité de Paudex (près de Lausanne). Après examen fin août, celle-ci adresse un préavis positif au Conseil communal qui en délibère dans une très longue séance du 20 septembre 1880. Le débat ne se concentre pas véritablement sur les deux candidats du soir mais bien sur le prix demandé pour l'obtention de la bourgeoisie. Certains estiment qu'il faut l'augmenter, en particulier pour "les citoyens non-domiciliés dans la commune [ndlr: ce qui était le cas de Edwin Richard] et qui au fond cherchent des bourgeoisies au plus bas prix, on peut même dire au rabais" ! Le prix de Paudex était de 800 Francs (env. 9'000 Frs actuels) mais à l'époque, ces prix étaient variables entre communes et même entre candidats, ce qui en faisait un sujet sensible. La Municipalité de Paudex avait même demandé aux candidats des montants supérieurs mais Edwin Richard n'avait pas voulu surenchérir. Les débats difficiles continuent sur le même sujet mais finalement, les deux candidats présentant "toutes les garanties de solvabilité et de moralité", le conseil parvient à un accord sur le prix qui reste inchangé et accepte Edwin Richard à l'unanimité des 17 voix.
Et le 19 novembre 1880, le Conseil d'Etat vaudois décrète que "Edwin-Frédéric-Emile-Richard Schneider" est déclaré citoyen du Canton de Vaud
Et voilà comment tous les descendants Schneider sont originaires d'une commune où lui-même n'a probablement jamais mis les pieds !
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Municipalité Paudex |
Décret Conseil d'Etat |
Un pasteur, 2 pensionnats, 3 mariages, 7 enfants
- 1883, Edwin Richard obtient sa licence en théologie de l'Eglise Evangélique Libre de Lausanne et il est consacré à la collégiale de Neuchâtel
- 1886-1887 Pasteur à Estavayer
- 1888-1892 Diacre au Locle où il habite avec sa mère Mathilde
 | 1889 | voyage "biblique" en Palestine |
 | avril 1892           | mariage avec Amélie Krayenbuhl, la fille du notaire qui s'est occupé de sa naturalisation |
- 1892-1898 Pasteur à Court (Jura bernois), accompagné de sa femme et peut-être de sa mère ( ? )
 | janvier 1893 | naissance de Julia |
 | septembre 1893 | décès de sa femme Amélie Krayenbuhl de tuberculose |
 | décembre 1894 | mariage avec Cornelia Daubanton |
 | décembre 1896 | naissance de Richard |
 | mars 1898 | naissance de Elizabeth (Lilly) |
 | juillet 1898 | le conseil de paroisse de Court décide de ne PAS le réélire comme pasteur |
- 1898-1917 Retour à Lausanne, d'abord à l'avenue Vinet 27
 | mai 1901 | naissance de Hans |
 | 1901 | achat du pensionnat Belles-Roches pour jeunes filles riches à l'Avenue Davel 11 |
 | juillet 1903 | décès de sa femme Cornélia Daubanton d'une obstruction intestinale (probablement une péritonite) |
 | décembre 1904 | mariage avec Julia Wizard, sa domestique |
 | mai 1905 | naissance de Frieda |
 | mai 1907 | naissance de Betty |
 | 1907 | achat du chalet Belles-Roches à Villars |
 | novembre 1909    | naissance de Minette |
 | 1910-1913 | Belles-Roches est vendue à Béthanie, institution de diaconesses et achat d'un pensionnat à Fleurettes 11 |
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Avenue Vinet 27 Recens. fédéral 1900 |
Avenue Davel 11 Pensionnat |
Fleurettes 11 Pensionnat |
Toute cette période est richement documentée sur le site de Pierre-Olivier :
Edwin Richard Schneider
Une fin mystérieuse
En automne 1917, il monte avec sa famille dans son chalet de Villars.
Le 4 octobre, il part en excursion solitaire dans le massif du Muveran, dont il ne reviendra jamais
Plusieurs recherches sont lancées sur le massif mais les importantes chutes de neige et le manque d'information sur son itinéraire empêchent de retrouver son corps. Le 17 octobre, sa famille publie un avis de décès se terminant par
"La date de l'ensevelissement sera fixée après que les recherches auront abouti"
En juillet 1918, ses camarades du Club Rambert, dont il était membre fondateur, ont organisé des recherches extensives mais sans succès (
Club Rambert p. 13)
La même année, la famille publie dans différents journaux une offre de récompense pour toute information relative à sa disparition
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Echo de la Montagne 17 octobre 1917 |
Journal de Bex 13 octobre 1917 |
Avis de décès 17 octobre 1917 |
Offre de récompense |
Durant cette période, la gendarmerie de Bex garde à l'esprit cette disparition et reste attentive à d'éventuels indices
Vers juillet 1918, le gendarme Echenard contacte Julia Schneider-Wizard, probablement par téléphone dans son chalet de Villars, en lui expliquant vouloir passer pour lui montrer "quelque chose" en lien avec la disparition de son mari. Mais ce gendarme n'aura pas l'opportunité de lui fournir plus de détails car il est abattu le 18 juillet 1918 par le braconnier Moreillon sur la Frête de Saille, au même endroit où Edwin Richard avait été aperçu pour la dernière fois quelques mois auparavant.
La presse relate en détails cette affaire de meurtre, par exemple
la Feuille d'Avis de Montreux ou
Le messager des Alpes ainsi que la condamnation en automne du braconnier dans
l'Echo de la Montagne
L'histoire de la visite avortée du gendarme Echenard chez Julia Wizard a été racontée par la grand-mère Juliette Schneider dans le long entretien enregistré en 1996 par Philippe Schneider et disponible sur le site de
Pierre-Olivier. Une supposition de grand-mère Juliette serait qu'Edwin Richard aurait surpris Moreillon sur les pentes du Muveran et que ce dernier, dont le caractère irascible et impulsif était connu, l'aurait tué et dissimulé son corps : hypothèse envisageable mais invérifiable.
Plus de 20 après, le glacier du Tsanfleuron (entre les Diablerets et le Sanetsch) recrache en août 1938 le corps d'un
"touriste momifié" que la presse de l'époque identifie comme étant peut-être celui du
"pasteur Schneider de Lausanne".
De son côté, la Police de Sûreté du Canton du Valais décrit dans son rapport du 16 août 1938 les circonstances de la découverte du corps et l'étude des objets trouvés aux alentours.
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Journal de Château d'Oex 16 août 1938 |
Police de sûreté page 1 |
Police de sûreté page 2 |
Les éléments d'identification sont maigres : le cadavre est très ancien (> 14 ans) et on note à proximité la présence d'un monocle, d'une canne, d'une montre et d'un journal en grec moderne mais aucun document ou objet ne comporte un nom.
D'après la grand-mère Juliette, Julia Wisard-Schneider (la femme du disparu) et Richard Schneider (son fils) ont pu examiner les objets retrouvés sur le glacier, et elle mentionne
"On pensait que c'était ça, parce qu'il y avait ce testament grec. Mais c'était pas sa montre, c'était pas sa bague, ça ne lui appartenait pas" (extrait de l'entretien enregistré en 1996 par Philippe Schneider et disponible sur le site de
Pierre-Olivier). Il faut cependant être prudent avec la mémoire humaine : 21 ans se sont écoulés lorsque Julia et Richard examinent les objets retrouvés et près de 60 ans lorsque Juliette en parle.
Par exemple, elle mentionne une bague qui n'existe pas dans le rapport de police, ce dernier étant probablement plus fiable car écrit quelques jours seulement après la découverte.
Quant au parcours direct Villars - Tsanfleuron (Sanetsch) que Edwin Richard aurait pu parcourir pour se retrouver sur le glacier, il nécessite env. 9-10 heures de marche. En considérant qu'il a quitté son chalet de Villars le 4 octobre vers midi (cf. une
photo découverte récemment chez Lény) et que les journées d'octobre sont courtes, il n'a probablement pas pu rejoindre la région du Sanetsch le même jour (même si il faisait encore beau) mais éventuellement dormir "quelque part", peut-être à Anzeindaz ou Derborence, puis être surpris le 5 octobre par la tempête de neige qui s'était levée ce jour-là.
Une autre hypothèse serait qu'il ait couché le soir du 4 octobre à la Cabane Rambert comme il l'avait annoncé (même si les secouristes n'ont trouvé aucune trace de son éventuel passage à la cabane) et qu'il ait tenté de rejoindre la région du Sanetsch le lendemain. Ce trajet demande environ 9 heures de marche et la neige et le brouillard étaient apparus en mi-journée du 5 octobre d'après une coupure de presse.
En l'état, les points ci-dessus n'amènent pas à une conclusion claire sur l'identité du corps retrouvé sur le glacier de Tsanfleuron
Il faut cependant souligner qu'Edwin Richard lisait couramment le grec ancien, appris durant ses études de théologie et qu'il pratiquait avec passion comme l'indiquent clairement les notes de son pélerinage en Palestine.
Dans ce contexte,
"les fragments d'un journal écrit en grec moderne" mentionnés dans le rapport de police est un indice intéressant.
Cette description impliquerait que son auteur, un inspecteur de police valaisan du début du 20ème siècle, ait eu les connaissances linguistiques nécessaires pour distinguer le grec ancien du grec moderne, ce qui paraît peu crédible. De plus, il était très difficile de se procurer un journal publié en Suisse en grec moderne, ces derniers étant d'ailleurs peu nombreux en Grèce même: il est douteux que l'inconnu du glacier ait pu s'en procurer un exemplaire.
Une hypothèse beaucoup plus convaincante est celle d'un texte en grec ancien imprimé et publié sous une forme brochée récente d'où le nom de «journal écrit en grec moderne» mentionné dans le rapport de police. Il s'agirait en ce cas probablement d'un évangile ou d'un document théologique publié par la fac de théologie des Cèdres à Lausanne que Richard Edwin Schneider avait fréquentée.
Même si il reste toujours des interrogations sur sa disparition, l'hypothèse que le corps du Tsanfleuron soit celui d'Edwin Schneider paraît la plus sérieuse
Généalogie Schneider